Nicole Ariey-Jouglard, dessinatrice

Nicole Ariey-Jouglard et Vincent Eche

 Il faut savoir s’affranchir des normes,  les adapter à nos moyens et nos usages.

 

 

J’ai 65 ans, j’habite en banlieue parisienne et je dessine depuis 20 ans. Je suis à la retraite. J’aime bien me promener, aller voir des expositions, tout ce qui est  manuel (cartonnage, encadrement, petit bricolage) et la photo.  Je participe aussi à l’atelier de loisirs créatifs au sein du Centre Social de Malakoff. Cette activité est un lieu d’échange et de partage des savoirs.

Je teste et j’adapte les techniques à ma manière, d’une façon pas toujours très orthodoxe.

Quelle pratique artistique développes-tu ?

Le grand voyage, linogravure à l’encre.

Je suis « touche à tout » sauf l’huile que je n’ai jamais essayée.

Cela veut dire l’aquarelle, la gouache, l’acrylique (beaucoup), le pastel sec et gras, le lavis et l’encre. J’aime aussi les techniques mixtes en mélangeant  les matières, les collages et les  photos. 

Je fais aussi de la linogravure.

 

 

 

 

 

As-tu vécu un évènement déclencheur qui t’as incité à t’engager dans cette pratique ?

Oui, le décès de ma belle-sœur, Françoise. Elle faisait de belles aquarelles. J’ai voulu qu’elle me fasse découvrir sa technique. Malheureusement lorsque j’ai été  décidée, elle est décédée dans une avalanche. J’avais vraiment envie d’apprendre. Cela m’a incitée à me rendre au Centre Social Jacques Prévert de Malakoff, à côté de chez moi où il y avait un cours. J’ai poussé la porte en disant : « je ne sais pas dessiner et j’aimerai apprendre ». Vincent, l’animateur des ateliers dessins, m’a accueillie en disant : « tout le monde peut dessiner, il suffit d’apprendre et de pratiquer ».

Dessin de Vincent Eche. L’étoile du sud, gouache, encre de chine et crayon « Après une journée passée sur la route, Olympe arriva à l’étoile du Sud, dernier relais avant l’océan ».

 

As-tu été influencée par d’autres rencontres ?

Oui, ma sœur Dominique. Lors d’un séjour d’une semaine,  sur l’île de Ré nous avons fait beaucoup de pastel, et j’ai aussi appris à observer. Et Jacques, son compagnon, par son œil critique  me stimule. Les autres personnes, avec qui  je fais du dessin au sein de l’atelier, m’apportent beaucoup.

Que t’apporte cette pratique ?

Le calme, je ne pense plus à rien. La curiosité pour les techniques et la découverte de celles-ci. C’est un moment de détente.

Fin de course, encre de chine et gouache.

Comment as-tu appris à dessiner ?

Et bien en commençant par une fleur. J’ai mis deux heures à la dessiner, et j’ai été écœurée quand j’ai vu l’animateur la dessiner  en cinq minutes. A ce moment là, je me suis dit « je n’y retournerai jamais », comme je suis assez têtue, j’ai voulu renouveler l’expérience. Petit à petit j’ai progressé. J’ai copié, puis j’ai participé à des stages, dont l’un ayant pour thème « l’acrylique » a déclenché en moi l’envie de  couleurs. Les autres stages m’ont permis d’avancer, de découvrir d’autres techniques  et de rencontrer d’autres personnes, ainsi que les participants aux trois autres cours du centre social. Je dessine toujours avec Vincent, issu des Beaux-arts de Paris. Je suis toujours restée dans cet atelier.

Paul, le pêcheur et son chien, acrylique

Je vois ma progression en comparant mes premiers dessins, et ceux de maintenant.  Je suis attentive aux critiques, je trouve qu’elles m’aident à évoluer.

Tu peux préciser ce qui se passe dans l’atelier dessin ?

L’épouvantail, nature morte proposée à l’atelier

Nous avons la présentation d’un artiste, d’un courant artistique, ou d’un livre pendant 10 minutes. Pour moi c’est l’occasion de grandes découvertes.

Ensuite nous travaillons sur nos projets ou alors Vincent nous fait des propositions de travail avec des techniques diverses, il élabore aussi des natures mortes. Nous formons un groupe dynamique avec des personnalités très différentes, nous avons beaucoup  d’échanges, pas toujours picturaux !

Pendant ces cours, nous partageons nos façons de faire.

 

Combien de temps passes-tu par semaine à dessiner ?

Je fais toujours ce que j’ai envie. Je ne copie pas ou presque plus, si  je le fais je modifie ou détourne  le modèle. Je fais à ma façon, parfois canalisée par Vincent car je pars vite en vrille. Mes idées ne sont pas toujours réalisables. Il me recentre sur du possible.

Souvent les personnes qui me connaissent bien, prennent des photos en pensant que je pourrais en tirer quelque chose. Et j’avoue que j’apprécie de travailler à partir d’une photo, voir plusieurs et de les mélanger.

A la maison c’est très irrégulier. Souvent je commence plusieurs projets, je vais de l’un à l’autre. Je ne reste pas des heures durant devant ma table, les allers retours me permettent de voir mes erreurs, je les modifie en passant devant.

La main sur la rambarde, d’après Loustal, acrylique cerné d’encre de chine noire

Quelles sont tes techniques préférées ?

La linogravure, le lavis et l’encre.

Tortues, linogravure

Peux-tu citer une œuvre que tu aimes particulièrement ?

J’aime « les raboteurs de parquets » de Gustave Caillebotte. J’apprécie les couleurs. J’ai l’impression d’être dans le tableau lorsque je le regarde.

 

 

Et aussi il y a un très beau jardin Caillebotte à Yerres (91) ! J’ai aimé m’y rendre pour dessiner.

Le jardin de Caillebotte à Yerres, encre de chine et gouache

J’apprécie les artistes suivants ; Loustal, pour son graphisme, je m’en inspire de temps en temps (même souvent), Mathurin Meheut, il y a eu une exposition au Musée de la Marine où j’ai découvert tous les diversités de son art (dont les céramiques). J’aime aussi Hopper, pour  l’atmosphère de ses tableaux, très cinématographique. Je glane beaucoup chez tous les peintres et tous les courants artistiques.

Vas-tu voir des expositions ?

Oui,  j’ai ma carte d’adhérente au musée d’Orsay. J’y vais à chaque nouvelle exposition. J’y retourne parfois deux fois. Je vais aussi à l’Orangerie. J’apprécie les musées Marmottant et Jacquemart André selon les artistes présentés. J’aime aussi aller voir des peintres inconnus, ou des collections, habitant près de Paris,  j’ai l’embarras du choix. J’apprécie aussi les expositions de photos.

As-tu une période préférée dans l’histoire de l’art ?

Non, je suis ouverte à tout. Cependant, je n’aime pas les primitifs italiens (sauf pour leurs couleurs et leurs drapés), l’art pompier, les allégories et certains artistes contemporains. Je suis hermétique aux installations et aux performances. Je n’y comprends absolument rien.

As-tu déjà exposé ?

Tous les ans avec le centre social nous exposons dans un lieu différent de la ville de Malakoff (la médiathèque, l’hôtel de ville, la maison de la vie associative). Et  au Centre Municipal de Santé, où nous changeons de tableaux tous les six mois.

Le coq, pastel

As-tu déjà vendu ?

J’ai offert des œuvres, je n’ai jamais vendu, ce n’est pas mon but, c’est un loisir. Lorsque quelqu’un aime un des mes tableaux ou dessins, je le photographie et je le donne.

Quels sont tes projets ?

Nous réalisons un tableau collectif, une inspiration d’un tableau de Fantin Latour. On est parti du tableau : « L’Atelier aux Batignolles », nous nous sommes pris en photo en situation suivant la place de chacun sur le tableau, et on doit faire le portrait d’une personne de l’atelier. Les premiers résultats sont assez drôles.

Je me suis remise à la linogravure, j’ai commencé un scooter et une pompe à essence.

L’épouvantail, collage et feutre

Je termine aussi un livre sur les jardins. Je le réalise avec Dominique. Nous l’avons commencé il y a trois ans et nous nous sommes bien amusées. Cette idée de livre sur les jardins est venue après la réalisation et l’illustration d’un livre de cuisine.

Ce livre de recettes a été réalisé à la suite du décès de Lucette, notre mère, ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants se sont souvenus de ses talents de cuisinière. Ce fut l’occasion  d’un échange pour recevoir les souvenirs culinaires de chacun, consulter les archives et les livres de cuisine, puis passer à l’illustration. J’avoue que j’ai apprécié cette réalisation, et l’accueil qu’elle a reçu. Elle fut l’occasion d’un échange intense.

Je savoure ces moments d’échanges, et les défis que nous nous lançons, cela m’oblige à travailler, le prochain challenge c’est de réaliser des « livres pauvres », comme je ne sais ce que c’est, je vais écumer la bibliothèque et les livres, ainsi qu’internet bien sûr. Ce sera encore une première et une grande découverte.

Pour prendre contact avec Nicole : ariey.nicole@orange.fr

Pour consulter les travaux de Vincent Eche:

http://eche-vincent.blogspot.com/

Entretien réalisé le 11 mai 2018

 

 

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