Chantal Mégard, collagiste
L’impulsion créatrice vient d’un fragment de papier dont le pouvoir évocateur ouvre une fenêtre sur l’imaginaire, l’émergence d’une intériorité qui prend sens.
Quelle pratique artistique développes-tu ?
De 1970 et 1980, j’ai pratiqué la photo en noir et blanc. J’étais intéressée par le cadrage et le développement, les jeux d’ombres et de lumières. La construction d’images était déjà une recherche artistique à l’époque. Je peignais également en effectuant des fresques murales dans mon appartement. En 1980, j’ai rencontré un peintre et j’ai été aspirée par sa pratique. Son travail sur la matière, la couleur, la lumière et le mouvement, dégageait une intense vibration. A cette époque, j’ai cessé toute activité artistique comme « un arrêt sur image ».
Ce n’est qu’en 2003 qu’un déclic s’est opéré par l’intermédiaire d’un fragment de papier issu d’un magasine.
Ton rapport à une pratique artistique a-t-il connu un cheminement ?
La récupération, le détournement et la décomposition d’objets sont au cœur de ma démarche créative. Je fabrique notamment des insectes, mais le déchirage/découpage de papiers est devenu une constante de mon travail.
L’impulsion créatrice vient d’un fragment de papier dont le pouvoir évocateur ouvre une fenêtre sur l’imaginaire, l’émergence d’une intériorité qui prend sens. L’œuvre qui émerge du processus de création est définie par le dialogue qui s’installe entre les papiers déchirés/découpés et mon état émotionnel. Cette liberté d’expression est passée par un processus de « décollage » et d’appropriation de la matière pour la rendre malléable à mon désir de création.
J’ai également, travaillé à partir d’un projet défini au préalable. Il s’agit d’une série de collages autour de la cuisine. Alain Passard, chef cuisinier et artiste m’a inspiré dans cette démarche, toutefois, je ne renouvellerai pas cette expérience dont le processus est trop contraignant pour moi.
Vers quelle forme de travail vas-tu maintenant ?
La majorité de mes collages sont de style figuratif. J’aimerai développer une approche plus abstraite à travers mes collages. Toutefois les quelques œuvres réalisées dans ce style m’emportent vers des rivages plus mouvementés. La pratique du collage est pour moi une respiration, un voyage intérieur au cours duquel le lâcher prise est parfois une épreuve mais souvent un réel plaisir, c’est l’œuvre qui me dirige.
Progressivement, j’associe d’autres médiums (pastel, peinture. etc…..)
As-tu fait des rencontres qui t’ont fait avancer ou évoluer dans la réalisation de cette pratique ?
Je suis autodidacte et je m’isole pour créer. J’ai essayé d’être dans un groupe mais je ne peux pas créer en présence d’autres personnes. Les quelques expériences de créations en présence d’un groupe génèrent une réelle violence interne. Créer est un acte, un état qui mobilise le corps et le psychique ; je suis en connexion avec mon intériorité.
Toutefois, je fais partie d’une association d’artistes amateurs avec lesquels j’expose. Nous sommes chacun dans nos pratiques et nous nous rencontrons une fois par mois pour organiser des évènements.
Comment travailles-tu ?
Les revues sont ma matière première, certaines ont des couleurs, des détails très intéressants à exploiter. Mes collages font généralement 20cm/30cm, 40cm/60cm ; les grands formats sont plus rares par manque de place.
As-tu des artistes préférés ?
J’aime beaucoup d’artistes. Dans les années 1990, j’ai découvert le travail de De Staël , le choc émotionnel a été extrêmement fort. J’aime également le travail de Giacometti, Braque, Max Ernest et bien d’autres artistes dont J. Pollock, ses peintures sont une invitation à la danse ; le corps tout entier est engagé, il me transporte !!
J’ai découvert récemment les œuvres d’ Henri Mouvant. Son travail de peinture/collage est de style abstrait. Les couleurs et l’organisation de l’espace dégagent une réelle vibration autour de la déchirure.
J’ai découvert également les très beaux collages figuratifs de Rafel Tona.
A Montpellier, il y a Sabine Christin qui réalise de grands collages splendides et lumineux.
http://www.sabine-christin.fr/
Chaque artiste a une approche différente du collage.
As-tu déjà exposé ?
J’ai participé à cinq expositions en 2015 (médiathèque de Chauffailles 71, Atelier d’artiste 69, La chapelle de St Maurice de Chateauneuf 71, Galerie de Chateauneuf 71, L’Agora 74).
J’ai vendu plusieurs collages. Exposer, c’est aussi aller à la rencontre du public, échanger et parfois transmettre la genèse et le processus de création des œuvres qui suscitent l’intérêt. Au cours de ces périodes d’exposition je ne peux pas créer.
Vas-tu voir des expositions ?
Oui, beaucoup que cela soit de la peinture, des sculptures, de la photographie et bien sûr du collage. Aller à la rencontre d’artistes et de leur travail est comme renouveler ma respiration, mon regard, mes émotions.
Tu as choisi 3 œuvres pour les présenter sur ce site, peux-tu dire pourquoi celles-ci ?
L’exil est en rapport avec l’actualité et ce qui a été signifiant dans mon parcours personnel et professionnel.
L’élégant : ce jour là, j’éprouvai l’ urgence de créer mais la tension était trop forte le processus de création restait bloqué. De dépit, j’ai balancé sur la table ma boîte contenant des fragments de papiers. Avec colère et rage, j’écarte, je trie, mes mains s’agitent et mon regard capte l’évocation de ce personnage/oiseau. Ce collage est le résultat d’une quête impulsive, rageuse et urgente de créer.
Le trio joueur fait partie de mes premiers collages. Il est gai, coloré et met en scène le cirque. Ce sont des souvenirs d’enfance.
Pour consulter les autres travaux de Chantal Mégard, se référer à sa page Facebook : Chantal Luchini Mégard
Entretien réalisé le 30 octobre 2016.