Jacques Pohu, artiste autodidacte

 

« A travers l’art, transcrire mes visions, mes émotions, mes sensations. Chercher le beau, toujours et partout, éterniser l’instant fugace où il jaillit. »

 

 

 

Quelles pratiques artistiques développes-tu ?

J’ai commencé par l’écriture de l’âge de 15 ans à 30 ans. Ensuite le dessin, la musique et la peinture, puis de nouveau le dessin. La musique, c’était à différentes périodes de ma vie et elle a chevauché les autres pratiques artistiques.

« Mosaïque 21 », collage, 70 x 70 cm (2002)

As-tu vécu un évènement déclencheur qui t’a incité à t’engager dans ces pratiques ?

D’abord, il y a eu ma grand-mère paternelle, qui jouait du piano à la maison : là, je me tenais assis près de l’instrument, j’étais scotché, la musique m’enivrait, je trouvais qu’être né valait le coup, alors que le reste du temps, j’étais plutôt dubitatif.

Quand j’avais 2 ou 3 ans peut-être (je ne m’en souviens pas, on me l’a raconté), j’étais allé avec mes parents écouter un concert dans une église et je battais la mesure comme si j’étais le chef d’orchestre. J’avais aussi un grand oncle horloger chez qui je me souviens avoir écouté avec ravissement toutes les horloges et pendules sonner en même temps.

Enfant, j’étais fasciné par les dessins aléatoires que formaient les plis des rideaux sur lesquels étaient imprimés des motifs géométriques, ou encore par le carrelage de la cuisine chez mes grands-parents maternels, un assemblage de petits morceaux de carreaux irréguliers, disparates : je le fixais un long moment pendant que les adultes discutaient entre eux, je m’abandonnais dans cette contemplation et tandis qu’autour de moi tout s’estompait, je finissais par voir apparaître des formes étranges et fascinantes, animaux, figures humaines. Dès que je cessais un instant de les fixer, elles disparaissaient et c’était fini, je pouvais faire tous les efforts que je voulais, la vision était perdue à jamais. Il fallait recommencer sur un autre coin du carrelage. Cela m’aidait beaucoup à supporter l’ennui, qui toujours sourd de ces moments où les adultes croient bon de se rendre visite en compagnie de leurs enfants muets et endimanchés.

Après, j’ai commencé à dessiner, reproduisant des personnages de dessins animés, Peter Pan, la belle et le clochard (avec une préférence pour la belle), ce genre de choses.
A l’adolescence, tandis que j’écrivais, mon frère Bernard jouait du piano et composait, c’était une atmosphère créative très stimulante.

En fait, j’ai toujours été attiré par les arts, c’est vraiment l’activité humaine qui me semble la plus digne d’intérêt.

 

« Pont sur le Rhône », huile sur toile, 54 x 73 cm (1997)

Ta  pratique artistique picturale a-t-elle connu un cheminement ?

J’ai commencé à dessiner sur une feuille de papier avec mon stylo à bille bleu, parce que c’était  ce que j’utilisais pour écrire. A 30 ans j’en avais assez d’écrire, je tournais en rond, trop de gravité dans les mots, et soudain, avec le dessin, j’ai retrouvé la légèreté, l’envie de créer.

Je dessinais surtout des portraits et des silhouettes de femmes que je trouvais belles, les plaçant dans des paysages que j’aimais. Parfois, quand je ne trouvais pas de modèle, je me contentais des paysages.

« Nue », huile sur toile, 54 x 73 cm (1998)

J’ai fait ça plusieurs années puis je suis passé à la peinture à l’huile, avec toujours la même intention figurative.

Ensuite, j’ai eu envie d’explorer un peu le domaine de l’abstrait et d’utiliser d’autres techniques (collage, aquarelle, acrylique).

Maintenant je suis revenu au dessin au stylo à bille bleu – en quelque sorte, la boucle est bouclée.

 

As-tu fait des rencontres qui t’ont  fait avancer ou évoluer dans la réalisation de tes travaux ?

Je travaille en solitaire. La vie est néanmoins jalonnée de rencontres artistiques, les livres, les expositions, les documentaires… et les autres artistes et leurs œuvres évidemment.

 

Peux-tu expliquer ou décrire ce que t’apporte cette pratique ?

Pratiquer le dessin de précision s’apparente à une forme de yoga. La phase d’élaboration est comme une longue méditation et, pour la phase de réalisation, il faut développer la souplesse, l’économie et la précision du geste, la patience, la concentration.

 

As-tu suivi un apprentissage de ces pratiques ?

Non, je suis autodidacte.

 

Participes-tu à un groupe avec des personnes qui ont la même pratique ?

Non, j’ai absolument besoin de solitude pour travailler.

Sur Facebook, je suis membre de quelques groupes d’artistes (Drawing pencils art, l’Art du nu…), mais ce n’est pas une manière de travailler ensemble, ce sont des pages communautaires sur lesquelles chaque membre peut poster ses travaux et regarder ceux des autres. C’est bien de voir qu’il y a partout dans le monde et à tout instant des artistes qui s’expriment, parfois même avec le même matériel rudimentaire que celui que j’ai choisi (un stylo, du papier).

 

Sur quoi travailles-tu actuellement ?

« Reconnaissance », 30 x 42 cm (2017)

Du dessin, uniquement au stylo à bille bleu, dans un style figuratif onirique.

 

Comment  travailles-tu ? Peux-tu dire le temps passé par semaine ou par mois à cette pratique ?

Variable, quelques heures par jour en moyenne.

Un dessin, entre sa conception et sa réalisation, peut m’occuper un trimestre entier.

Cela part d’une vision. J’ouvre alors un dossier dans lequel j’accumule pêle-mêle tous les documents et les idées concernant mon projet et, à la fin, je trie pour ne garder que ce qui me plait vraiment.  Je dessine d’après modèle, le plus souvent à partir de photos, soit que je fais, soit que je trouve dans des magazines ou sur Internet. A partir de là, je compose entièrement le dessin dans ma tête, même si parfois je fais un schéma/brouillon pour voir comment vont s’organiser entre elles les différentes parties de mon dessin et résoudre les problèmes de lumière et de perspective.
J’essaie d’éviter les esquisses au crayon pour ne pas abîmer le papier ; le plus souvent, je me contente de marquer quelques points de base. La technique du stylo à bille est assez délicate, car le repentir est quasiment interdit. Le « secret », c’est de ne jamais forcer le trait et d’aller très doucement, du plus clair au plus foncé.

Film vidéo où Jacques présente la création d’un dessin au fil des séances

https://youtu.be/RTA8JN4jQ_E

 

 

 

 

 

 
 
« Hiboux des marais avec un pêcheur », 42 x 30 cm (2016)

Peux-tu citer une œuvre que tu aimes particulièrement ?

« La jeune fille à la perle » de Vermeer. Il y a chez ce peintre une faculté incroyable de voir le beau dans le quotidien et de le retranscrire sur la toile. Ses tableaux sont admirablement construits et réalisés ; ce sont quasiment tous des chefs d’œuvres.

 

Vas-tu voir des expositions ?

Oui. J’aime autant voir les grandes expositions, les rétrospectives, que les accrochages de peintres moins connus dans les galeries.  Dès que je vois quelque chose qui fait tilt, je vais voir.

As-tu déjà exposé ?

Oui, mais pas depuis un certain temps.

 As-tu déjà vendu ?

Oui, cela m’est arrivé. Mais je ne vis pas de mes revenus artistiques.

« Sans titre 21 », aquarelle, 53 x 75 cm (2000)

As-tu une période  préférée dans l’histoire de l’art ?

Plusieurs.

J’aime beaucoup les peintres flamands, de Van Eick à Vermeer.

Je suis aussi fasciné par la richesse artistique de la seconde moitié du XIXème siècle. Imaginez qu’en France, entre disons 1880 et 1890, vous pouviez croiser Van Gogh, Manet et tous les peintres impressionnistes, mais aussi Satie, Ravel et Debussy, Verlaine et Rimbaud, et même Knut Hamsun qui y écrivait « La Faim », jetant les bases de son admirable œuvre littéraire.

Vermeer est mon peintre préféré, mais j’aime aussi Jérôme Bosch, Edouard Manet, Gustave Caillebote et beaucoup de tableaux impressionnistes ; citons encore Edward Hopper, Jackson Pollock, René Magritte, Salvador Dali, Jacques Monory, Gerhard Richter, Serge Marshennikov et, dans le domaine du dessin au stylo bille, Andrey Poletaev.

 

« Retour de voyage », 30 x♦ 42 cm (2017)

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Un grain de sel

Poivre ou piment

Dans la tambouille

Du quotidien.

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La plupart des travaux de Jacques Pohu sont consultables sur sa page Facebook (clic sur « Photos » en haut de la page, puis sur l’onglet « Albums »), à condition de faire une demande d’amitié.

https://www.facebook.com/search/top/?q=jacques%20pohu

 

Entretien réalisé le 13 novembre 2017 à Montpellier

 

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